Revue: Economie Entreprise N°218 - Octobre 2018, page 88-89
Maroc-Brésil, vers un partenariat stratégique
Dans sa quête de nouveaux partenaires au sein des BRICS, le Maroc gagnerait à renforcer ses relations bilatérales avec le Brésil, un pays aux nombreux atouts.
Dans le cadre de sa nouvelle politique étrangère, le Maroc a entamé ces dernières années un processus de diversification de ses partenaires stratégiques. Après la Russie et la Chine, le lancement d’un partenariat stratégique avec l’Inde figure sur l’agenda. A travers cette démarche, on reconnait que les nouveaux partenaires du Maroc sont essentiellement les pays émergents regroupés au sein des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud). Dans le moyen terme, Brasilia se profile comme un allié de choix pour la mise en œuvre d’un partenariat stratégique avec le Maroc.
Doté d’une industrie compétitive au niveau international dans les secteurs de l’automobile, la sidérurgie ou l’agroalimentaire, le Brésil occupe le rang de première puissance économique en Amérique Latine et se positionne parmi les 10 principales économies de la planète. De même, le Brésil est parmi les grands exportateurs de matières premières et agricoles: premier exportateur de café et sucre, deuxième en soja et viande surgelée, et troisième en fer, aluminium et maïs.
Etat des lieux
Lors des rencontres bilatérales tenues ces dernières années, les responsables diplomatiques des deux pays n’ont pas manqué de se féliciter de l’excellence du dialogue politique entre Rabat et Brasilia. La convergence de vues sur les questions régionales et internationales est le mot clé du rapprochement politique entre les deux pays. Tant Rabat que Brasilia attachent une importance particulière au multilatéralisme, et plaident pour le développement d’un ordre international équilibré. D’ailleurs, le Maroc soutient l’aspiration du Brésil à un siège de membre permanent au sein du Conseil de Sécurité de l’ONU. De plus, le Brésil n’a jamais reconnu la pseudo RASD et soutient les efforts des Nations Unies pour un règlement politique du conflit du Sahara marocain.
Depuis le début des années 2000, le rythme d’échange de visites s’est accéléré constamment. De même, la visite historique effectuée par le Roi Mohammed VI à Brasilia en novembre 2004 a donné un nouvel élan aux relations bilatérales. En mars 2016, la rencontre entre le ministre marocain des Affaires étrangères et son homologue brésilien à Rabat a constitué une opportunité pour s’accorder sur l’importance de renforcer les relations bilatérales, et ainsi exploiter le potentiel dont disposent les deux pays. Toutefois, le cadre juridique de coopération bilatéral ne reflète pas cette volonté politique, d’autant plus, que la commission mixte ne s’est pas réunie depuis 10 ans.
Au niveau économique, les relations bilatérales reposent essentiellement sur les liens commerciaux. D’ailleurs, entre 2012 et 2014, le Brésil a occupé la 3e place parmi les clients du Maroc juste après l’Espagne et la France, les clients traditionnels du royaume.
Désormais, le Brésil se situe parmi les 10 premiers partenaires commerciaux du Maroc.Cette performance marocaine s’explique en grande partie par l’évolution de ses exportations constituées particulièrement de produits phosphatés. Etant le premier client mondial du phosphate marocain, le Brésil a importé en 2013 plus de 50% du total des exportations extérieures marocaines de cette matière, enregistrant ainsi la somme de 1 milliard de dollars US d’importations.
En 2017, les exportations du Maroc vers le Brésil ont atteint 867 millions de dollars, dont plus de 750 millions en phosphate et fertilisants. Afin de garantir l’approvisionnement du marché brésilien en produits phosphatés, un bureau de l’Office Chérifien de Phosphate (OCP) a été ouvert à Brasilia. De même, l’OCP a acquis 10% de Fertilisantes Heringer, la plus grande société de production de fertilisants au Brésil, pour la somme de 55 millions de dollars US. Quant aux importations marocaines, elles ont atteint 615 millions de dollars en 2017. Le sucre et le maïs constituent plus de 80% des produits importés.
Actuellement, le Brésil se positionne parmi les 20 plus grands fournisseurs du marché marocain. La reprise des négociations, en décembre 2017, pour conclure un accord de libre-échange entre le Maroc et le Mercosur, le plus grand bloc économique régional d’Amérique Latine regroupant le Brésil, l’Argentine, le Paraguay et l’Uruguay, s’inscrit également dans cette approche de renforcement des liens commerciaux avec le Brésil. D’autre part, Maroc Export, établissement public chargé de la promotion des exportations marocaines, a conduit depuis 2015 deux missions de prospection à Sao Paulo.
Des délégations composées de représentants des secteurs public et privé ont fait le déplacement pour préparer un plan d’action sur ce marché qui compte plus de 200 millions de consommateurs. Du côté brésilien, plusieurs missions exploratoires ont ciblé le Maroc ces dernières années. Ainsi, des forums économiques ont été organisés en partenariat avec la Confédération Générale des Entreprises du Maroc (CGEM) à Rabat et à Marrakech, afin d’explorer les opportunités d’affaires et d’investissements au Maroc.
Vers un partenariat stratégique
Malgré un discours diplomatique louable, les relations entre le Maroc et le Brésil souffrent d’un manque de dynamisme et ne dépassent pas les domaines traditionnels de coopération. Nous nous proposons ici d’exposer un plan d’action pour la mise en œuvre d’un partenariat stratégique entre les deux pays.
Ce partenariat doit d’abord viser la coopération économique et commerciale en associant les opérateurs économiques dans les relations. A cet égard, encourager la CGEM du côté marocain, et la Confédération Nationale de l’Industrie Brésilienne (CNIB) du coté brésilien, est en mesure de renforcer la coopération économique.
En second lieu, il s’agit de mettre l’accent sur la coopération en matière de défense et de sécurité. La visite du ministre brésilien de la Défense à Rabat en 2002 a encouragé à un plus grand rapprochement en matière de coopération militaire. Ainsi, des délégations militaires marocaines ont effectué des visites au Brésil, et pour la première fois, le Maroc a acquis des munitions brésiliennes pour un montant de quatre millions de dollars en 2016.
Par ailleurs, la lutte contre les réseaux de trafic de drogue et le terrorisme transnational constituent deux domaines de coopération en matière sécuritaire qui peuvent consolider la confiance mutuelle et devenir d’une grande importance pour toute la région sud de l’Atlantique. Troisièmement, il s’agit de nourrir la coopération dans le domaine de l’industrie aéronautique. La visite au Maroc d’une délégation de la société Embraer, 3e plus grand constructeur aéronautique après Airbus et Boeing, souligne l’intérêt brésilien pour l’industrie aéronautique au Maroc. L’acquisition par la RAM d’avions de la société Embraer en 2014 peut inciter ce producteur brésilien à créer un centre d’entretien au Maroc et ainsi encourager la RAM à renforcer sa flotte avec des avions brésiliens.
Le partage de savoir-faire et d’expertise en matière de technologie de l’espace ouvre aussi une nouvelle voie ambitieuse de coopération entre les deux pays. D’autres rapprochements revêtent une importance capitale, notamment en termes d’EnR, de tourisme, de coopération Sud-Sud en faveur de l’Afrique, sans parler de la création de mécanismes de dialogue politique.
Il convient de noter, en dernier lieu, que la visite historique du Roi Mohammed VI à Brasilia en 2004 a donné une nouvelle impulsion à la coopération bilatérale.
Toutefois, le report des visites des anciens présidents brésiliens Lula Da Silva et Dilma Roussef au Maroc n’a pas permis d’aborder les possibilités de lancement du partenariat stratégique entre les deux pays.
Pour la diplomatie brésilienne, quel que soit le prochain président issu du scrutin prévu le 7 octobre 2018, il est temps de hisser les relations au niveau du partenariat stratégique avec un pays émergent et dynamique sur le continent africain, le Maroc.
http://economie-entreprises.com/2018/10/13/maroc-bresil-vers-un-partenariat-strategique/